26 OCT 2021

Mathilde Van Drooghenbroeck : « Travailler sur les biais inconscients de genre est clé »

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Mathilde Van Drooghenbroeck est experte en genre. Elle a accompagné la MCB dans la conception d’une stratégie d'égalité dans le cadre du programme de l’AFD, SUNREF Maurice. Dans cet entretien, Mathilde revient sur les biais cognitifs, ainsi que sur les outils à déployer afin d’impliquer davantage les femmes dans les activités économiques et dans les prises de décision.

Vous avez beaucoup travaillé sur la question de gender mainstreaming. De quoi s’agit-il précisément ?
Le gender mainstreaming répond à la nécessité d’un changement large en faveur de l’égalité entre femmes et hommes. Il s’agit de faire en sorte que tous les acteurs impliqués dans l’élaboration des politiques publiques prennent en compte les inégalités de genre présentes dans une société donnée, de manière à ne pas les accroître.

L’accent est mis sur une approche transversale : il faut prendre en compte la situation de désavantage que connaissent les femmes, dans tous les secteurs, à tous les niveaux et à toutes les étapes de l’élaboration d’une politique publique.

Quand nous accompagnons une entreprise dans un processus en faveur de plus d’égalité professionnelle, c’est une démarche de proximité. Il s’agit de sensibiliser assez largement les équipes, et dans l’assessment qui est réalisé en amont du plan d’action, il s’agit d’analyser toutes une série de secteurs-clé de l’entreprise : les procédures RH, le Health & Safety, la communication, etc.

Le gender mainstreaming c’est aussi une question d’hommes. Comment faire pour qu’ils soient eux aussi des acteurs face aux inégalités ?
Bien sûr, les hommes ont un rôle très important à jouer pour faire progresser l’égalité professionnelle en entreprise. Il est important qu’ils comprennent qu’une organisation plus mixte, plus diverse, leur bénéficiera également. De nombreuses études montrent d’ailleurs que lorsqu’une entreprise se saisit de la question de l’égalité professionnelle, elle attire plus de femmes… mais également plus d’hommes !

Vous avez accompagné plusieurs entreprises à Maurice sur ces questions. Quel est votre constat ? Où en sommes-nous ?
Le taux d’activité des femmes à Maurice est autour de 46 %, ce qui signifie qu’il y a probablement encore une série de barrières empêchant l’accès des femmes à l’emploi.

Concernant la représentation des femmes dans les postes de direction des entreprises, on est à 7 % de représentation féminine pour ce qui est des Conseils d’Administration et à 31 % pour le senior et le middle management. Toutefois, ce dernier indicateur était à 21 % en 2011, ce qui semble donc indiquer qu’un changement assez rapide en la matière s’est produit, ce qui est positif.

Quelles sont vos recommandations pour inclure davantage les femmes dans les activités économiques et les impliquer plus au niveau des prises de décision ?
Je pense que la question de la prise en compte du travail de soin non rémunéré (unpaid care), que portent encore principalement les femmes, détermine véritablement leur accès à l’emploi.

Mettre en place une politique de conciliation vie familiale-vie professionnelle ainsi que des mesures spécifiques autour de la paternité et de la maternité – notamment relatives au retour dans le milieu professionnel après une naissance –, sont des actions clés que peuvent prendre les entreprises afin de faciliter l’accès et le maintien des femmes dans les activités économiques, mais aussi leur progression vers les niveaux de prises de décision. Travailler sur les biais inconscients de genre est également clé concernant la progression des femmes en entreprise.

Vous travaillez aussi sur les questions de biais cognitifs. Donnez-nous quelques exemples de biais cognitifs ? Comment les identifier et les combattre ?
Les biais de genre sont des mécanismes inconscients qui influent sur nos prises de décision. Sans le savoir et sans le vouloir, nous nous appuyons en effet constamment sur certains schémas mentaux pour analyser une situation donnée et agir.

Concernant le genre, ces schémas mentaux sont fort proches de ce que nous appelons les stéréotypes de genre. Ceux-ci associent par exemple le « leadership » au « masculin », ce qui va notamment avoir pour conséquence que nous aurons en tête l’image d’un homme au moment de recruter pour un poste de direction ou pour une promotion, ce qui défavorisera de facto les candidates au poste. De la même manière, nous allons nécessairement associer « collaboratrice » et « vie familiale » et présupposer qu’une femme qui va devenir mère accordera désormais une moindre importance à son travail. C’est ainsi que ces biais donnent lieu à de la discrimination et participent à la production des inégalités professionnelles.

Pour neutraliser ces biais ou du moins en diminuer les effets, il faut qu’un maximum de collaborateurs aient conscience de l’existence de ceux-ci afin qu’ils puissent essayer de les mettre à distance dans leur pratique professionnelle quotidienne. Il est également nécessaire que l’organisation mette en place des garde-fous, notamment dans les procédures de recrutement et d’évaluation des performances, afin d’empêcher que ces biais ne puissent influer sur les décisions prises, et ce en objectivant ces procédures au maximum.

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