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Raoul Gufflet : « Sortir de la crise demande une forte convergence d’intérêts entre les opérateurs »

May 29, 2020, 10:00 AM by User Not Found
Le directeur adjoint de la MCB, revient sur la crise Covid-19 et les attentes que suscite l’exercice budgétaire national du 4 juin.

La MCB a fait des provisions importantes au 1er trimestre 2020. Cependant, quelle est la part de provisions spécifiques a des dossiers particuliers et quelle est la part des provisions générales dans le sillage du Covid-19 et donc seulement en anticipation des difficultés prévisibles de votre clientèle ?

En effet, pour le troisième trimestre de notre année financière qui se termine le 30 Juin 2020, le Groupe MCB a enregistré une baisse notable de son bénéfice après impôts. Le résultat du trimestre clos le 31 Mars 2020 a montré des profits de Rs 799 millions contre Rs 2 430 millions pour le même trimestre l’année dernière.

Cette baisse de profitabilité est due à un montant de provisions pour le seul trimestre de Rs 1 943 millions alors que nous n’avions provisionné que Rs 874 millions lors de la publication de nos comptes semestriels arrêtés le 31 décembre 2019.

Les provisions spécifiques pour ce troisième trimestre se sont montées à Rs 404 millions, alors que les ‘expected credit losses’ (ECL) additionnels sur le portefeuille d’actifs performants se chiffrent à Rs 1 539 millions. Cette hausse substantielle de l’ECL — en application des nouvelles normes comptables internationales plus connues sous l’acronyme IFRS9 — reflète l’augmentation inhérente des risques de crédit et notre évaluation future de l’impact de la pandémie du Covid-19 sur nos opérations. Ce que nous pouvons appeler, plus communément une « provision générale » reflète les hypothèses que nous avons formulées sur l’impact de la crise économique induite par la crise du Covid-19 sur nos encours de prêts.

Permettez-moi cependant de rappeler que notre bénéfice d’exploitation arrêté au 31 Mars 2020, avant provisions, a tout de même augmenté sur la même période de 11.7% par rapport à l’année dernière pour atteindre Rs 10 milliards. Cette performance opérationnelle, induite par une solide croissance des revenus nets d’intérêts et commissions, démontre la solidité et le bien fondé de notre modèle stratégique.

Nous nous attendons même à une augmentation du bénéfice d’exploitation, toujours avant provisions, lors du dernier trimestre de cette année financière, même si celui-ci se fera à un rythme plus lent.

Il ne faut cependant pas le nier, de nombreuses incertitudes subsistent quant à la profondeur, la durée, et l’impact de la crise sur la grande majorité des secteurs de notre économie, ainsi que sur les plans de relance qui seront adoptés par les autorités et que nous sommes impatients de découvrir lors de la présentation du Budget de la Nation le 4 Juin. Pourquoi ? Tout simplement parce que cette sortie de crise ne pourra se faire de façon efficace sans forte convergence d’intérêts entre les opérateurs privés, le Gouvernement, et les institutions financières qui participent au financement de notre économie.

L’impact sur les provisions dans le résultat des prochains trimestres ne pourra donc être évalué qu’à la lumière de l’évolution de cette crise. L’assouplissement graduel du confinement devrait permettre la reprise de certaines activités commerciales de manière progressive, bien que certains secteurs mettront plus de temps à rebondir, surtout ceux ayant une plus forte dépendance à l’international.

Vous avez emprunté 800 millions de dollars il y a peu. Il semblerait que la grosse partie de ces ressources aient été déployées dans des « trade deals’’ sur le gaz et le pétrole. Pouvez-nous donner des détails et nous dire si la chute dramatique des cours de pétrole augmente les risques de déboucler ces transactions positivement ?

L’année 2019 a effectivement marqué notre retour sur le marché des prêts internationaux avec une première émission — largement sursouscrite — de USD 800 millions. Cette solution de financement communément utilisée par les banques actives à l’international, est la plus adaptée afin de soutenir nos ambitions régionales tirées principalement par la croissance soutenue du segment Energy and Commodities (“E&C”).

Plus des deux tiers du portefeuille E&C ont trait à des opérations de financement à court-terme du commerce régional dont une partie non négligeable est représentée par des engagements hors bilan. La croissance de cette ligne métier s’est faite très progressivement et prudemment au cours des dix dernières années, encadrée par une maitrise rigoureuse des risques spécifiques à cette activité.

Nous n’avons à ce jour, aucune raison de penser que la chute des cours des hydrocarbures se traduira par une détérioration de la qualité de ce portefeuille. Notre politique de risque proscrit effectivement toute position spéculative et toutes les transactions financées, sans exception, sont protégées des risques liés à la fluctuation des prix des matières premières.

Une partie plus modeste des financements E&C a été octroyée à des producteurs indépendants de pétrole à travers des facilités structurées de moyen et longs termes. A l’instar du segment transactionnel court terme, les expositions ont été sélectionnées avec attention, pour se concentrer sur des sociétés à bas coûts de production et la majeure partie de nos clients producteurs a souscrit à des instruments de couverture du risque de prix qui les protègeront tout au long de 2020 et 2021, leur permettant ainsi de traverser confortablement la crise actuelle.

Avec la pandémie Covid-19 et en amont du budget du 4 juin prochain, êtes-vous en mesure de décrire les dégâts causés par deux mois et demi de lock down du pays et si vous allez souscrire au MIC ou au PDF lancés par la BOM et le ministère des finances respectivement ?

L’épidémie du Covid-19 a créé une incertitude considérable et des bouleversements économiques dans le monde entier. Elle n’a certainement pas épargné l’Ile Maurice.

Les conséquences pour notre île et son tissu industriel sont importantes, même si elles n’ont pas encore été correctement quantifiées, avec un impact évident sur certains secteurs comme le tourisme, l’hôtellerie et le secteur manufacturier et textile, tous orientés vers l’exportation. Localement, les secteurs de la construction, du développement immobilier, ainsi que les Petites et Moyennes Entreprises seront eux aussi très probablement touchés de plein fouet.

L’impact de cette pandémie est toutefois difficile à évaluer à ce stade car trop d’incertitudes subsistent, notamment quant à sa durée, ainsi qu’à la réaction des nations développées et marchés internationaux partenaires de l’Ile Maurice.

Comme la plupart des gouvernements dans le monde, les autorités mauriciennes ont mis en place un certain nombre de mesures d’accompagnement temporaires destinées aux entreprises et aux individus, afin de les aider à surmonter cette période difficile. Ces mesures visent principalement à octroyer des lignes de crédit et/ou des garanties aux banques afin (1) de préserver l’emploi et (2) d’assurer les fonds de roulement des entreprises mauriciennes.

Certains secteurs auront, nous en sommes convaincus, besoin de soutien au-delà de la période de confinement. Quelles seront les mesures d’accompagnement additionnelles mises en place pour accroître la résilience des secteurs les plus vulnérables et dont les débouchés sont extrêmement dépendants de l’international ? J’espère en découvrir avec vous la teneur lors de la présentation du Budget le 4 Juin.

Nos économistes anticipent une contraction de notre PIB cette année — la première en 40 ans — ainsi qu’une nette détérioration de la balance des paiements et des finances publiques du pays.

Il ne nous faut pas oblitérer des risques de mise en chômage technique dans certains secteurs, suppressions d’emploi, qui pourraient, si la crise perdure, avoir des effets boule de neige et entrainer un déséquilibre social.

Je reste pour ma part, confiant que notre pays peut s’appuyer sur une forte résilience collective pour mitiger les effets de la crise sur l’économie et notre société. La stabilité de notre système bancaire et financier, la profondeur des réserves d’importation en devises à la BOM et notre résilience institutionnelle sont pour moi des éléments tangibles de cette résilience.

Pour l’année prochaine, nous pouvons peut-être espérer un rebond sensible de la croissance. Il nous faudra faire en sorte, collectivement, que cette nouvelle phase post-Covid vise à intégrer les éléments constitutifs d’une société encore plus inclusive et durable.

Le Groupe MCB n’a pas vocation à souscrire au MIC ou au PDF, mais jouera le rôle de support à l’économie qu’il a toujours joué en activant les leviers de développement durable et de soutien d’une économie circulaire, locale que nous avons déjà partagés à nos clients depuis maintenant deux ans.

Etes-vous engagés sur du crédit a Air Mauritius. Si oui, vous a-t-on demandé un ‘haircut’ ? Croyez-vous qu’une reprise est possible et à quelles conditions ?

La problématique de notre compagnie nationale est aujourd’hui, même si sa situation financière a suscité des interrogations depuis quelques années, étroitement liée au chaos dans lequel se trouve l’industrie globale de l’aviation mondiale.

Nous sommes tous, Mauriciens, conscients de l’importance stratégique de notre industrie touristique, et plus encore aujourd’hui alors que la crise du Covid-19 a mis en exergue notre très forte dépendance sur ce secteur.

Il est à mon sens, impensable de ne pas avoir une compagnie nationale, qui non seulement ferait vivre cette industrie, mais est toute la substance de la marque « Ile Maurice ». Le sens de l’hospitalité mauricienne ne commence-t-il pas à l’embarquement même dans ces avions au départ de l’Europe ou de l’Asie ?

Permettez-moi une réflexion sarcastique. Il est grand temps de cesser ce débat stérile entre la préservation d’une compagnie aérienne nationale, et une industrie hôtelière comme je l’ai parfois entendu. Les deux sont interdépendants, convergents, et tout à fait complémentaires.

Une compagnie nationale efficiente, rationalisée de manière pragmatique, confiante dans la pertinence de ses partenariats avec d’autres transporteurs plus solides et avec une meilleure couverture géographique, est selon moi la clé de la pérennité de notre industrie touristique, et de la préservation des emplois — si nombreux — qui gravitent autour de ce pilier de notre économie.

Bien sûr, tous ces voeux pieux n’aboutiront à rien sans un effort concerté des autorités internationales, des protocoles sanitaires clairement établis entre pays pour faire que le trafic aérien qui est à la base de la survie de notre secteur touristique se fasse dans les conditions optimales de sérénité des voyageurs désireux — il y en a encore tout récemment — de se rendre sur notre magnifique île.

Je lis que le gouvernement japonais, dans une tentative de soutenir son tourisme, a décidé de rembourser la moitié des billets d’avion de chaque touriste se rendant au Japon d’ici la fin de l’année 2020, et a mis à cet effet une enveloppe de plus de USD 12.5 milliards. A l‘échelle mauricienne, pourquoi ne pas imiter ces bonnes idées, et faire d’une pierre deux coups? Pour chaque touriste embarquant dans un vol direct d’Air Mauritius à destination de Maurice, la même philosophie serait applicable. Cela aurait le mérite de remettre la destination Maurice sur la carte, et permettre à Air Mauritius de reprendre son envol.

A combien est ce que la MCB estime les fonds nécessaires pour soutenir l’économie mauricienne post-Covid et que pensez-vous du soutien ONE OFF de 60 milliards de la BoM au budget de l’Etat ? Est-ce sain pour Maurice que la banque centrale engage ses fonds pour soutenir des clients des banques ? Est-ce raisonnable qu’il n’y ait plus de plafond au Debt ceiling ratio du pays ?

Il m’est difficile de quantifier le montant nécessaire pour soutenir l’économie mauricienne post-Covid-19. Beaucoup vous rassure-t-il ?

Ce que je peux vous dire, c’est que plusieurs banques centrales de par le monde, la Fed, la Bank of England et la Bank of Japan pour n’en citer que quelques-unes ont, depuis le début de la crise, participé à des programmes de rachats de titres d’entreprises afin de permettre de transmettre de la liquidité dans leurs économies respectives. Avec des mesures claires, et des principes d’éligibilité bien définis, il n’y a aucune raison que la BOM n’y ait pas également eu recours.

Pour ce qui est de la Mauritius Investment Corporation Ltd, créée sous l’égide de la Banque de Maurice pour soutenir — par le biais d’une palette d’instruments de fonds propres/quasi-fonds propres — les opérateurs économiques, je n’ai à ce stade pas suffisamment de recul pour répondre précisément à votre question. Ni n’ai-je, à la lecture du bilan de la BoM, encore réussi à comprendre d’où viendraient ces Rs 60 milliards.

Je peux néanmoins vous assurer que nous suivons ce sujet de très près et que toute initiative convergente, réfléchie, et stratégique qui permettra de soutenir le tissu industriel mauricien ne peut être que bienvenue. Et recevra notre assentiment et notre soutien.

Maintenant, sur le sujet de la levée des plafonds de dette publique pour soutenir l’économie en temps de crise, il est pour moi, justifié, voire nécessaire, à la seule condition que cela ne soit qu’une mesure temporaire, très ciblée, et qu’en même temps, une discipline financière stricte de retour aux grands équilibres publics dans les meilleurs délais soit respectée.

Finalement, que pensez-vous de ce qui arrive à l’offshore mauricien avec la liste grise FATF et celle, menaçante, noire, de l’UE ? Jouons-nous bien nos cartes, ce qui suggèrerait que l’on nous persécute ou avons-nous été gratter le dos du malheur de notre propre chef ? Que penser du nouveau CEO de la FSC ?

C’est avec beaucoup de surprise que nous avons appris la décision de la Commission Européenne de placer Maurice parmi les pays tiers à haut risque sur la carte du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.

Certes, notre système présentait quelques déficiences, en l’occurrence 5 sur une longue liste de 58 actions préconisées par le Groupe d’Action Financière (GAFI) pour améliorer l’efficacité des systèmes de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Mais, celles-ci étaient déjà connues de notre Gouvernement, qui avait déjà pris l’engagement, auprès du GAFI, d’y remédier au plus tard en Septembre 2021.

Si cette décision est malgré tout confirmée le 1er Octobre 2020 — ce que je ne souhaite pas — cela risque bien évidemment de porter atteinte à la crédibilité de notre centre financier international.

Je sais nos dirigeants tout comme les acteurs du secteur du Global Business ainsi que le secteur financier dans son ensemble, concernés par ce sujet épineux, et conscients de l’importance — sinon l’urgence — de prendre toutes les mesures nécessaires pour remettre Maurice dans la liste des juridictions qu’elle mérite. La balle est aujourd’hui dans notre camp.

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La MCB a fait des provisions importantes au 1er trimestre 2020. Cependant, quelle est la part de provisions spécifiques a des dossiers particuliers et quelle est la part des provisions générales dans le sillage du Covid-19 et donc seulement en anticipation des difficultés prévisibles de votre clientèle ?

En effet, pour le troisième trimestre de notre année financière qui se termine le 30 Juin 2020, le Groupe MCB a enregistré une baisse notable de son bénéfice après impôts. Le résultat du trimestre clos le 31 Mars 2020 a montré des profits de Rs 799 millions contre Rs 2 430 millions pour le même trimestre l’année dernière.

Cette baisse de profitabilité est due à un montant de provisions pour le seul trimestre de Rs 1 943 millions alors que nous n’avions provisionné que Rs 874 millions lors de la publication de nos comptes semestriels arrêtés le 31 décembre 2019.

Les provisions spécifiques pour ce troisième trimestre se sont montées à Rs 404 millions, alors que les ‘expected credit losses’ (ECL) additionnels sur le portefeuille d’actifs performants se chiffrent à Rs 1 539 millions. Cette hausse substantielle de l’ECL — en application des nouvelles normes comptables internationales plus connues sous l’acronyme IFRS9 — reflète l’augmentation inhérente des risques de crédit et notre évaluation future de l’impact de la pandémie du Covid-19 sur nos opérations. Ce que nous pouvons appeler, plus communément une « provision générale » reflète les hypothèses que nous avons formulées sur l’impact de la crise économique induite par la crise du Covid-19 sur nos encours de prêts.

Permettez-moi cependant de rappeler que notre bénéfice d’exploitation arrêté au 31 Mars 2020, avant provisions, a tout de même augmenté sur la même période de 11.7% par rapport à l’année dernière pour atteindre Rs 10 milliards. Cette performance opérationnelle, induite par une solide croissance des revenus nets d’intérêts et commissions, démontre la solidité et le bien fondé de notre modèle stratégique.

Nous nous attendons même à une augmentation du bénéfice d’exploitation, toujours avant provisions, lors du dernier trimestre de cette année financière, même si celui-ci se fera à un rythme plus lent.

Il ne faut cependant pas le nier, de nombreuses incertitudes subsistent quant à la profondeur, la durée, et l’impact de la crise sur la grande majorité des secteurs de notre économie, ainsi que sur les plans de relance qui seront adoptés par les autorités et que nous sommes impatients de découvrir lors de la présentation du Budget de la Nation le 4 Juin. Pourquoi ? Tout simplement parce que cette sortie de crise ne pourra se faire de façon efficace sans forte convergence d’intérêts entre les opérateurs privés, le Gouvernement, et les institutions financières qui participent au financement de notre économie.

L’impact sur les provisions dans le résultat des prochains trimestres ne pourra donc être évalué qu’à la lumière de l’évolution de cette crise. L’assouplissement graduel du confinement devrait permettre la reprise de certaines activités commerciales de manière progressive, bien que certains secteurs mettront plus de temps à rebondir, surtout ceux ayant une plus forte dépendance à l’international.

Vous avez emprunté 800 millions de dollars il y a peu. Il semblerait que la grosse partie de ces ressources aient été déployées dans des « trade deals’’ sur le gaz et le pétrole. Pouvez-nous donner des détails et nous dire si la chute dramatique des cours de pétrole augmente les risques de déboucler ces transactions positivement ?

L’année 2019 a effectivement marqué notre retour sur le marché des prêts internationaux avec une première émission — largement sursouscrite — de USD 800 millions. Cette solution de financement communément utilisée par les banques actives à l’international, est la plus adaptée afin de soutenir nos ambitions régionales tirées principalement par la croissance soutenue du segment Energy and Commodities (“E&C”).

Plus des deux tiers du portefeuille E&C ont trait à des opérations de financement à court-terme du commerce régional dont une partie non négligeable est représentée par des engagements hors bilan. La croissance de cette ligne métier s’est faite très progressivement et prudemment au cours des dix dernières années, encadrée par une maitrise rigoureuse des risques spécifiques à cette activité.

Nous n’avons à ce jour, aucune raison de penser que la chute des cours des hydrocarbures se traduira par une détérioration de la qualité de ce portefeuille. Notre politique de risque proscrit effectivement toute position spéculative et toutes les transactions financées, sans exception, sont protégées des risques liés à la fluctuation des prix des matières premières.

Une partie plus modeste des financements E&C a été octroyée à des producteurs indépendants de pétrole à travers des facilités structurées de moyen et longs termes. A l’instar du segment transactionnel court terme, les expositions ont été sélectionnées avec attention, pour se concentrer sur des sociétés à bas coûts de production et la majeure partie de nos clients producteurs a souscrit à des instruments de couverture du risque de prix qui les protègeront tout au long de 2020 et 2021, leur permettant ainsi de traverser confortablement la crise actuelle.

Avec la pandémie Covid-19 et en amont du budget du 4 juin prochain, êtes-vous en mesure de décrire les dégâts causés par deux mois et demi de lock down du pays et si vous allez souscrire au MIC ou au PDF lancés par la BOM et le ministère des finances respectivement ?

L’épidémie du Covid-19 a créé une incertitude considérable et des bouleversements économiques dans le monde entier. Elle n’a certainement pas épargné l’Ile Maurice.

Les conséquences pour notre île et son tissu industriel sont importantes, même si elles n’ont pas encore été correctement quantifiées, avec un impact évident sur certains secteurs comme le tourisme, l’hôtellerie et le secteur manufacturier et textile, tous orientés vers l’exportation. Localement, les secteurs de la construction, du développement immobilier, ainsi que les Petites et Moyennes Entreprises seront eux aussi très probablement touchés de plein fouet.

L’impact de cette pandémie est toutefois difficile à évaluer à ce stade car trop d’incertitudes subsistent, notamment quant à sa durée, ainsi qu’à la réaction des nations développées et marchés internationaux partenaires de l’Ile Maurice.

Comme la plupart des gouvernements dans le monde, les autorités mauriciennes ont mis en place un certain nombre de mesures d’accompagnement temporaires destinées aux entreprises et aux individus, afin de les aider à surmonter cette période difficile. Ces mesures visent principalement à octroyer des lignes de crédit et/ou des garanties aux banques afin (1) de préserver l’emploi et (2) d’assurer les fonds de roulement des entreprises mauriciennes.

Certains secteurs auront, nous en sommes convaincus, besoin de soutien au-delà de la période de confinement. Quelles seront les mesures d’accompagnement additionnelles mises en place pour accroître la résilience des secteurs les plus vulnérables et dont les débouchés sont extrêmement dépendants de l’international ? J’espère en découvrir avec vous la teneur lors de la présentation du Budget le 4 Juin.

Nos économistes anticipent une contraction de notre PIB cette année — la première en 40 ans — ainsi qu’une nette détérioration de la balance des paiements et des finances publiques du pays.

Il ne nous faut pas oblitérer des risques de mise en chômage technique dans certains secteurs, suppressions d’emploi, qui pourraient, si la crise perdure, avoir des effets boule de neige et entrainer un déséquilibre social.

Je reste pour ma part, confiant que notre pays peut s’appuyer sur une forte résilience collective pour mitiger les effets de la crise sur l’économie et notre société. La stabilité de notre système bancaire et financier, la profondeur des réserves d’importation en devises à la BOM et notre résilience institutionnelle sont pour moi des éléments tangibles de cette résilience.

Pour l’année prochaine, nous pouvons peut-être espérer un rebond sensible de la croissance. Il nous faudra faire en sorte, collectivement, que cette nouvelle phase post-Covid vise à intégrer les éléments constitutifs d’une société encore plus inclusive et durable.

Le Groupe MCB n’a pas vocation à souscrire au MIC ou au PDF, mais jouera le rôle de support à l’économie qu’il a toujours joué en activant les leviers de développement durable et de soutien d’une économie circulaire, locale que nous avons déjà partagés à nos clients depuis maintenant deux ans.

Etes-vous engagés sur du crédit a Air Mauritius. Si oui, vous a-t-on demandé un ‘haircut’ ? Croyez-vous qu’une reprise est possible et à quelles conditions ?

La problématique de notre compagnie nationale est aujourd’hui, même si sa situation financière a suscité des interrogations depuis quelques années, étroitement liée au chaos dans lequel se trouve l’industrie globale de l’aviation mondiale.

Nous sommes tous, Mauriciens, conscients de l’importance stratégique de notre industrie touristique, et plus encore aujourd’hui alors que la crise du Covid-19 a mis en exergue notre très forte dépendance sur ce secteur.

Il est à mon sens, impensable de ne pas avoir une compagnie nationale, qui non seulement ferait vivre cette industrie, mais est toute la substance de la marque « Ile Maurice ». Le sens de l’hospitalité mauricienne ne commence-t-il pas à l’embarquement même dans ces avions au départ de l’Europe ou de l’Asie ?

Permettez-moi une réflexion sarcastique. Il est grand temps de cesser ce débat stérile entre la préservation d’une compagnie aérienne nationale, et une industrie hôtelière comme je l’ai parfois entendu. Les deux sont interdépendants, convergents, et tout à fait complémentaires.

Une compagnie nationale efficiente, rationalisée de manière pragmatique, confiante dans la pertinence de ses partenariats avec d’autres transporteurs plus solides et avec une meilleure couverture géographique, est selon moi la clé de la pérennité de notre industrie touristique, et de la préservation des emplois — si nombreux — qui gravitent autour de ce pilier de notre économie.

Bien sûr, tous ces voeux pieux n’aboutiront à rien sans un effort concerté des autorités internationales, des protocoles sanitaires clairement établis entre pays pour faire que le trafic aérien qui est à la base de la survie de notre secteur touristique se fasse dans les conditions optimales de sérénité des voyageurs désireux — il y en a encore tout récemment — de se rendre sur notre magnifique île.

Je lis que le gouvernement japonais, dans une tentative de soutenir son tourisme, a décidé de rembourser la moitié des billets d’avion de chaque touriste se rendant au Japon d’ici la fin de l’année 2020, et a mis à cet effet une enveloppe de plus de USD 12.5 milliards. A l‘échelle mauricienne, pourquoi ne pas imiter ces bonnes idées, et faire d’une pierre deux coups? Pour chaque touriste embarquant dans un vol direct d’Air Mauritius à destination de Maurice, la même philosophie serait applicable. Cela aurait le mérite de remettre la destination Maurice sur la carte, et permettre à Air Mauritius de reprendre son envol.

A combien est ce que la MCB estime les fonds nécessaires pour soutenir l’économie mauricienne post-Covid et que pensez-vous du soutien ONE OFF de 60 milliards de la BoM au budget de l’Etat ? Est-ce sain pour Maurice que la banque centrale engage ses fonds pour soutenir des clients des banques ? Est-ce raisonnable qu’il n’y ait plus de plafond au Debt ceiling ratio du pays ?

Il m’est difficile de quantifier le montant nécessaire pour soutenir l’économie mauricienne post-Covid-19. Beaucoup vous rassure-t-il ?

Ce que je peux vous dire, c’est que plusieurs banques centrales de par le monde, la Fed, la Bank of England et la Bank of Japan pour n’en citer que quelques-unes ont, depuis le début de la crise, participé à des programmes de rachats de titres d’entreprises afin de permettre de transmettre de la liquidité dans leurs économies respectives. Avec des mesures claires, et des principes d’éligibilité bien définis, il n’y a aucune raison que la BOM n’y ait pas également eu recours.

Pour ce qui est de la Mauritius Investment Corporation Ltd, créée sous l’égide de la Banque de Maurice pour soutenir — par le biais d’une palette d’instruments de fonds propres/quasi-fonds propres — les opérateurs économiques, je n’ai à ce stade pas suffisamment de recul pour répondre précisément à votre question. Ni n’ai-je, à la lecture du bilan de la BoM, encore réussi à comprendre d’où viendraient ces Rs 60 milliards.

Je peux néanmoins vous assurer que nous suivons ce sujet de très près et que toute initiative convergente, réfléchie, et stratégique qui permettra de soutenir le tissu industriel mauricien ne peut être que bienvenue. Et recevra notre assentiment et notre soutien.

Maintenant, sur le sujet de la levée des plafonds de dette publique pour soutenir l’économie en temps de crise, il est pour moi, justifié, voire nécessaire, à la seule condition que cela ne soit qu’une mesure temporaire, très ciblée, et qu’en même temps, une discipline financière stricte de retour aux grands équilibres publics dans les meilleurs délais soit respectée.

Finalement, que pensez-vous de ce qui arrive à l’offshore mauricien avec la liste grise FATF et celle, menaçante, noire, de l’UE ? Jouons-nous bien nos cartes, ce qui suggèrerait que l’on nous persécute ou avons-nous été gratter le dos du malheur de notre propre chef ? Que penser du nouveau CEO de la FSC ?

C’est avec beaucoup de surprise que nous avons appris la décision de la Commission Européenne de placer Maurice parmi les pays tiers à haut risque sur la carte du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.

Certes, notre système présentait quelques déficiences, en l’occurrence 5 sur une longue liste de 58 actions préconisées par le Groupe d’Action Financière (GAFI) pour améliorer l’efficacité des systèmes de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Mais, celles-ci étaient déjà connues de notre Gouvernement, qui avait déjà pris l’engagement, auprès du GAFI, d’y remédier au plus tard en Septembre 2021.

Si cette décision est malgré tout confirmée le 1er Octobre 2020 — ce que je ne souhaite pas — cela risque bien évidemment de porter atteinte à la crédibilité de notre centre financier international.

Je sais nos dirigeants tout comme les acteurs du secteur du Global Business ainsi que le secteur financier dans son ensemble, concernés par ce sujet épineux, et conscients de l’importance — sinon l’urgence — de prendre toutes les mesures nécessaires pour remettre Maurice dans la liste des juridictions qu’elle mérite. La balle est aujourd’hui dans notre camp.

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